Une bombe. Une pépite. Le feu. Chaque paragraphe, chaque phrase, chaque mot, tout bouillonne d’actualité. Ce texte est un rappel que l’espoir se provoque et se poursuit (il date pourtant de 1963 mais transcende l’époque et le lieu géographique).
Le passé est passé, certes, mais nous sommes le fruit de ce dernier : en tant que Blanc en Occident, nous lui devons de nombreux privilèges. Alors pour espérer construire un meilleur avenir pour tous, nous devons nous confronter au miroir de nos sociétés. Agir, nous engager, nous remettre perpétuellement en question, et surtout, être attentifs, écouter, ouvrir les yeux.
Merci, James. Votre humanisme transparaît dans chaque page.
« Où et comment pouvons-nous finalement faire société commune ? Car telle est bien la question. » Christiane Taubira, dans l’excellente préface de cette édition Folio.
Quelques extraits (il a fallu choisir) :
« Tu es né là où tu es né et as été confronté avec l’ennemi avec lequel tu as été confronté parce que tu étais noir et pour cette seule raison. Ainsi avait-on fixé, et à jamais pensait-on, des bornes à ton ambition. Tu étais né dans une société qui affirmait avec une précision brutale et de toutes les façons possibles que tu étais une quantité humaine absolument négligeable. On n’attendait pas de toi que tu aspires à l’excellence. On attendait de toi que tu pactises avec la médiocrité. »
« Agir c’est s’engager et s’engager c’est prendre des risques. Dans le cas particulier, le risque, aux yeux de la plupart des Américains blancs, c’est la perte de leur identité. Essaie d’imaginer tes réactions si tu t’éveillais un matin pour trouver le soleil brillant de tout son éclat au milieu d’un scintillement d’étoiles. Tu aurais peur parce que ceci serait contraire à l’ordre de la Nature. Tout bouleversement dans l’univers nous effraye parce qu’il attaque si profondément notre sens de notre réalité propre. Eh bien, dans le monde des Blancs, le Noir a rempli la fonction d’une étoile fixe, d’un pilier immobile. Il abandonne sa place et le ciel et la terre en tremblent jusque dans leurs fondations. »
« Et si le mot intégration a le moindre sens c’est celui-ci : Nous, à force d’amour, obligerons nos frères à se voir tels qu’ils sont, à cesser de fuir la réalité et à commencer à la changer. Car tu es ici chez toi, mon ami, ne t’en laisse pas chasser. »
« Dans une société qui vous est absolument hostile et qui par sa nature même semble résolue à vous persécuter, qui a persécuté tant des vôtres dans le passé, en persécute un si grand nombre chaque jour, il devient presque impossible de distinguer les actes véritablement hostiles de ceux qu’on imagine l’être. Il arrive qu’on renonce très vite à faire cette distinction et, plus grave encore, qu’on y renonce inconsciemment. »
« C’est pourquoi la plus dangereuse création de toute société, quelle qu’elle soit, est l’homme qui n’a plus rien à perdre. Point n’est besoin de dix de ces hommes-là. Un seul fera l’affaire. »
« La glorification d’une race et le dénigrement corollaire d’une autre ou d’autres a toujours été et sera toujours une recette de meurtre. Ceci est une loi absolue. Si on laisse quelqu’un faire subir un traitement particulièrement défavorable à un groupe quelconque d’individus en raison de leur race ou de la couleur de leur peau, on ne saurait fixer de limites aux mauvais traitements dont ils seront l’objet et puisque la race entière a été condamnée pour des raisons mystérieuses il n’y a aucune raison pour ne pas essayer de la détruire dans son intégralité. C’est précisément là ce que les Nazis auraient voulu accomplir. Leur seule originalité repose dans les méthodes qu’ils ont employées. Il ne nous avancerait guère d’essayer de nous souvenir combien de fois le soleil s’est levé sur un massacre des innocents. »
« Peut-être l’origine de toutes les difficultés humaines se trouve-t-elle dans notre propension à sacrifier toute la beauté de nos vies, à nous emprisonner au milieu des totems, tabous, croix, sacrifices du sang, clochers, mosquées, races, armées, drapeaux, nations, afin de dénier que la mort existe, ce qui est précisément notre unique certitude. Il me semble à moi que nous devrions nous féliciter de l’existence de la mort – nous décider à gagner notre mort en faisant passionnément face au mystère de la vie. Nous sommes responsables envers la vie. Elle est le petit point lumineux dans toutes ces terrifiantes ténèbres desquelles nous sommes issus et auxquelles nous retournerons. »
« Je sais que je demande l’impossible, mais à notre époque comme à toutes les autres l’impossible est le moins que l’on puisse exiger. »

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