Quel joli roman que ce De nos blessures un royaume de Gaëlle Josse, publié aux éditions Buchet-Chastel (rien que le titre…). Tout en émotions. De la douceur, de la tendresse même, malgré des sujets difficiles tels que le deuil et le handicap. Depuis que j’ai commencé à lire Gaëlle Josse, je découvre une sensibilité qui résonne énormément en moi, une artiste à la plume talentueuse. Après Une longue impatience (une perle rare 🧜🏼♀️) et Une femme à contre-jour (réflexion passionnante sur le destin de Vivian Maier 📷 ), ce dernier roman m’a lui aussi embarquée dès les premières phrases.
« Nous cherchons tous une consolation, un printemps, une raison de nous lever, une rencontre à venir, un émerveillement, une douceur, un battement de cœur plus fort. »
On suit une femme, danseuse de profession, qui se lance dans un périple en train. Nice, Gênes, Mantoue, Trieste, Zagreb : elle parcourt 1 000 kilomètres en 7 jours. Nous voyageons à ses côtés, ressentons l’inconfort et la fatigue avec elle. Nous lâchons prise, lâchons nos quotidiens hyperconnectés et hyperproductifs. Car la reconstruction demande du temps. Se relever d’un drame exige de se retrouver avec soi-même. De se confronter à soi-même.
« Pour aller là où je vais, j’aurais pu prendre l’avion, en deux heures c’était réglé, une diagonale à travers les nuages, hop deux jours là-bas, 12 mettons, et retour. Mais non, c’est trop rapide, trop violent, couloirs gris climatisés d’aéroport et brutale téléportation, décollage attachez vos ceintures mauvais café et rattachez vos ceintures atterrissage, d’autres couloirs gris. C’est d’un voyage lent dont j’ai envie, un peu incertain, indécis, avec des détours et des étapes, des hésitations, des repentirs, des visages, des rencontres, ou des possibilités de rencontres. Pas un voyage de touriste, même si je vais faire comme tout le monde en fin de compte, mais je me rêve plutôt voyageuse, avec des moments pour revoir des choses aimées, des moments pour me souvenir, des moments pour découvrir ce qui n’a pu l’être encore, un voyage comme une promesse à notre histoire. »
Je n’ai pas fait exprès de lire ce roman en parallèle du récit, très intime, de Diglee, Atteindre l’aube. Le week-end dernier, les livres qui m’ont choisie portaient sur les disparus. Sur leur absence et leur présence. Gaëlle Josse évoque la disparition de l’être aimé. Diglee celle de sa grand-tante, figure féminine familiale. Évidemment, je pensais constamment à ma grand-mère. Elle est chaque jour avec moi, mais à l’approche de la naissance de notre premier enfant, sa présence-absence brûle plus intensément en moi. Lors du dernier club de lecture, Jennifer évoquait la sérendipité. Les rencontres fructueuses nous tombent-elles dessus par hasard ? Les découvertes sont-elles fortuites ? Sommes-nous dans certaines dispositions pour les accueillir, les attirer à nous ? Ce week-end donc, j’ai une fois encore questionné cette sérendipité.
Le voyage en train avec Gaëlle Josse, l’exploration de l’arbre généalogique de Diglee, m’ont constamment ramenée à la puissance de la transmission, à ce moment clé de mon existence. Les liens que nous tissons de notre vivant nous marquent. Ils tatouent nos émotions et nos subconscients. Ainsi, avant même de nous quitter, nos êtres chers et chéris nous communiquent déjà un peu du courage, de la force dont nous aurons tant besoin pour surmonter leur départ.

« Lorsque je t’interroge sur ta mère, aussitôt tu évoques sa mère à elle. Car pour parler d’Eugénie, il faut connaître la destinée tragique d’Hermance, et pour comprendre Hermance, il faut avoir en tête le décor familial d’Irma. Comme si, dans un jeu kaléidoscopique de mises en abyme infinies, il fallait toujours comprendre les mères pour expliquer les filles. Jusqu’où remonter ? » Diglee.
« Tu es avec moi de toute façon. Rien ne pourra m’enlever ça. Histoire de peau et de mémoire. Un vide, un creux rempli de souvenirs, de sensations, et ça se réveille aux moments les plus inattendus. Parfois heureux, parfois non. Des images que je fuis et d’autres que j’appelle, ou que je laisse venir sans les repousser. » Gaëlle Josse.


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