Magistral et bouleversant đŸ’”đŸŒŸ

De la grande littĂ©rature, capable de susciter des Ă©motions, toutes les Ă©motions de la palette humaine. Capable de nous toucher au plus profond de notre ĂȘtre, de rĂ©sonner en nous alors que nous n’avons rien vĂ©cu de ce que les personnages ont vĂ©cu. Moi, l’Alsacienne d’une trentaine d’annĂ©es Ă  l’enfance heureuse, j’ai Ă©tĂ© emportĂ©e par le destin de cette petite Cherokee. TranscendĂ©e, mĂȘme.

« Ce n’est pas facile d’ĂȘtre une femme, P’tite Cherokee. Et surtout, ce n’est pas facile d’ĂȘtre une femme qui passe sa vie Ă  avoir peur de celle qu’elle est vraiment. »

L’amour de Landon Carpenter m’a Ă©mue aux larmes. L’abnĂ©gation de ce pĂšre prĂȘt Ă  tout pour ses enfants, ses histoires pour les rassurer, les aider Ă  se construire, leur offrir une mythologie pour qu’ils fassent front dans cette vie difficile.

« – Au dĂ©but de ma vie, je n’Ă©tais personne, mais parce que ta maman a fait de moi un pĂšre, j’ai une bonne chance de finir mon existence sur cette terre comme quelqu’un qui vaut la peine qu’on se souvienne de lui. Pourquoi diable j’aurais envie de m’enfuir et quitter ça ?

– Tu es quelqu’un qui vaut la peine qu’on se souvienne de lui, Papa. »

Mais aussi… Lint et ses poches remplies de cailloux aux yeux grand ouverts. Trustin et ses aquarelles aux mille couleurs. Flossie et ses rĂȘves Ă©toilĂ©s. Fraya et sa douceur enveloppante. Et bien sĂ»r, Betty et son courage contagieux
 Pendant presque 700 pages, j’étais un membre de leur famille. Les drames qui les bousculaient et dĂ©truisaient leurs fondations, je les ai ressentis dans ma chair. Je les ai vus lutter ensemble, se dĂ©chirer, se rabibocher, se dĂ©tester, s’aimer malgrĂ© tout. J’avais envie de remplir mon propre bocal de « bonne nuit » pour le leur tendre. De les accompagner dans la forĂȘt, le long de la riviĂšre, de jardiner Ă  leurs cĂŽtĂ©s, de compter les Ă©toiles Ă  chaque naissance. De les aider face Ă  l’adversitĂ©, de hurler et dĂ©noncer l’intolĂ©rance et le rejet de ce coin perdu de l’Ohio. De punir et d’enfermer les hommes monstrueux qui les faisaient tant souffrir. De briser les chaĂźnes du silence, d’espĂ©rer l’envol des aigles pour que leurs priĂšres s’exaucent.

« J’ai compris une chose Ă  ce moment-lĂ  : non seulement Papa avait besoin que l’on croie Ă  ses histoires, mais nous avions tout autant besoin d’y croire aussi. Croire aux Ă©toiles pas encore mĂ»res. Croire que les aigles sont capables de faire des choses extraordinaires. En fait, nous nous raccrochions comme des forcenĂ©es Ă  l’espoir que la vie ne se limitait pas Ă  la simple rĂ©alitĂ© autour de nous. Alors seulement pouvions-nous prĂ©tendre Ă  une destinĂ©e autre que celle Ă  laquelle nous nous sentions condamnĂ©es. »

Briser les chaĂźnes du silence : c’est Betty, cette Petite Indienne si forte et si courageuse, qui les brise en racontant. Son roman punit les impunis, rend leur voix et leur dignitĂ© aux victimes, cherche les racines de leurs maux, enterre leurs malheurs. Ses mots sont un jardin. Son roman, c’est la vie malgrĂ© la mort, l’espoir malgrĂ© l’horreur, l’humanitĂ© malgrĂ© la cruautĂ©.

« Flossie Ă©tant partie, j’Ă©tais la derniĂšre des Trois SƓurs restĂ©e Ă  la maison. J’ai gravĂ© les noms de mes sƓurs dans le bois du Bout du Monde, afin qu’au moins la scĂšne elle-mĂȘme ne les oublie pas. Et puis j’ai Ă©crit. De mes Ă©crits ressortaient des entrelacs et des ciselures. Il y avait des griffes et des serres, des choses plus douces Ă©galement. Je parlais d’eau ruisselant des murs, de fumĂ©e dĂ©rivant dans le ciel. De ces rĂ©alitĂ©s intangibles ou palpables qui nous liaient tous en des nƓuds qu’aucun dĂ©but extraordinaire ne pourrait jamais fixer. Mes poĂšmes embrassaient tout ce que mes bras ne pouvaient Ă©treindre. Ils hurlaient ce que je taisais. Ils Ă©taient aussi un murmure brĂ»lant qui proclamait que parfois l’amour est un chĂątiment. »

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