Dans ces deux romans, nous suivons le quotidien de Ray Carney, un vendeur de meubles qui, à la sueur de son front, s’est battu pour ouvrir son commerce. Fils d’un voyou notoire de Harlem, feu Big Mike, Carney essaie tant bien que mal de rester loin des combines qui faisaient le quotidien de son père. Mais le recel, c’est de l’argent facile, et pour combler son épouse afin de lui offrir un logement moins insalubre ou encore pour assurer un avenir meilleur à ses enfants, Carney plonge dans l’engrenage…
« Cela dit, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Il s’était tenu à carreau pendant quatre ans, mais à la seconde où vous replongez un orteil, le monde s’empresse de vous aider à replonger tout entier. Un voyou reste un voyou et les ripoux détestent les gens honnêtes. Le reste, c’est de la survie. »
Avec Colson Whitehead, la réflexion sur la fracture raciale américaine est toujours en toile de fond. Mais ces deux romans diffèrent grandement de Underground Railroad et Nickel Boys. New York et sa jungle en sont le décor, devenant un personnage à part entière. Les époques (années 60s pour Harlem Shuffle, début des années 70s pour La règle du crime) sont reconstituées avec brio sous nos yeux de lecteurs, tant du point de vue des luttes politiques que de l’organisation géographique et sociologique de la ville. On est complètement embarqués : un voyage dans le temps et dans l’espace. Ainsi, ce ne sont pas des page-turners, mais des romans d’ambiance qui dénoncent sans nommer. Avec juste ce qu’il faut de cynisme et de distance pour créer un propos percutant. Vivement le troisième volet…
« Il y a toujours des filouteries dont le grand public ne sait rien, quand bien même elles décident de sa vie. Certaines escroqueries sont sources de désordre, par exemple les arnaques et les cambriolages qui poussaient New York vers le déclin, et d’autres, moins visibles, sont le ciment qui empêche que tout parte à vau-l’eau, un peu comme le schiste. Les deux catégories s’opposaient et se dominaient à tour de rôle – seule chose à retenir, le monde était un gigantesque merdier. »

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