J’aime toujours autant lire Alaa El Aswany đŸ‡Ș🇬 đŸ›Žïž

J’aime toujours autant lire Alaa El Aswany. Dans son nouveau roman paru en septembre chez Actes Sud, il nous emmĂšne cette fois non pas dans sa ville, Le Caire, mais Ă  Alexandrie. À travers le portrait d’un groupe hĂ©tĂ©roclite d’amis de longue date, il nous montre l’évolution inquiĂ©tante de la dictature nassĂ©rienne.

Dans les annĂ©es 1960, Alexandrie est multiple, riche du mĂ©lange des origines et des religions de ses habitants, douce comme le climat mĂ©diterranĂ©en. Mais la RĂ©publique socialiste de Gamal Abdel Nasser vient insidieusement dĂ©truire la libertĂ© d’expression, puis la libertĂ© tout court. Dans ce roman, on assiste tristement Ă  la fin d’une Ă©poque. L’auteur traite les sujets chers Ă  son cƓur, lui qu’on sent Ă  la fois si fier et si critique de ses compatriotes Ă©gyptiens.

Le pouvoir militaire est une plaie (l’Egypte en est une parfaite illustration) : il ne respecte pas le droit et suit les ordres du leader tout puissant. Les opposants sont arrĂȘtĂ©s sans mĂȘme un semblant de justice. Le silence de la population augmente, la lĂąchetĂ© avec : qui a envie de croupir dans une geĂŽle pour avoir osĂ© Ă©lever la voix ? Les courageux finissent par comprendre que pour rester en accord avec leurs valeurs, il leur faudra partir, quitter leur pays. Un drame qui a touchĂ© l’auteur lui-mĂȘme : Alaa El Aswany ne peut plus vivre en Egypte, et ses Ă©crits y sont censurĂ©s. Mais son souffle romanesque continue de donner corps Ă  cette Egypte multiple, victime de dĂ©cennies de dictature militaire et d’oppression. On peut trouver un espoir infime derriĂšre ses lignes, mĂȘme si ses personnages finissent par perdre la partie face au monstre du pouvoir


« Qu’Ă©tions-nous et que valions-nous dans ce pays ? J’ai pris tout Ă  coup conscience que nous ne comptions pour rien. Dans un rĂ©gime dictatorial vous n’avez aucune valeur. Vous n’ĂȘtes rien. Vous avez beau vouloir ignorer cette rĂ©alitĂ© ou vous fabriquer un monde Ă  vous pour vous isoler des Ă©vĂ©nements extĂ©rieurs, vous avez beau vous Ă©vader dans l’art, dans la boisson, dans le haschich ou dans les soirĂ©es entre amis, ce ne sont lĂ  que des leurres qui Ă©loignent le moment oĂč vous devrez affronter la rĂ©alitĂ©. A un moment donnĂ©, comme maintenant, vous vous trouverez face Ă  votre Ă©crasement et Ă  votre honteuse dĂ©faite. Vous n’avez pas de droits, pas de dignitĂ©. Le dictateur peut faire de vous ce qu’il veut quand il veut et vous n’avez pas le droit de vous y opposer. Vous pouvez seulement dĂ©poser une requĂȘte et vos requĂȘtes seront dĂ©boutĂ©es. »

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