L’histoire tourne autour d’une île. Cette île, c’est Ys, au milieu de l’océan Atlantique. En son centre vivent les citoyens, les Issois, protégés par leur forteresse. Tout autour, il y a le reste de la population. Les riverains, les saleuses, les marins, les sacripans, les sans-miroirs. Danaé Poussin, orpheline, en fait partie. Son ambition est de rejoindre la cité. Mais ce n’est pas cela qui la différencie des autres. Qui ne rêve pas de s’élever, de quitter les côtes, les dangers des équinoxes, l’odeur de la poiscaille, l’attaque perpétuelle du sel et de l’humidité, le fardeau des naufrages ? Non, ce qui différencie Danaé Poussin, c’est qu’elle sait nager. Ce don lui causera bonheurs et malheurs.
« Et quiconque a moindrement navigué sait que c’est presque impossible de retrouver quelqu’un tombé à l’eau. De toute façon, la plupart des naufragés meurent point noyés, ils meurent de soif ou de froid. Nager, c’est souffrir plus longtemps et survivre, c’est mourir plus lentement. »
Ce roman initiatique a deux grandes forces. La première, c’est son écriture. Dès qu’on l’ouvre, on sent le vent s’en échapper et nous fouetter le visage, nos lèvres se gercent et prennent le goût du sel quand on y passe la langue. On en a presque le mal de mer. La plume de Dominique Scali est incroyablement immersive. L’autrice s’amuse avec les mots, et on comprend rapidement que chaque phrase est un travail minutieux, qu’aucune lettre n’est le fruit du hasard.
« La folie, c’était d’avoir remarqué qu’il était toujours soigneusement rasé. D’avoir une fois pris acte de sa barbe de trois jours alors qu’il descendait de la Clardeye et d’avoir lâché un « diantre, la mer a dû être énorme ». C’était de se dire le matin que l’existence n’a de sens que si l’on plonge régulièrement et le soir, de se jurer de ne plus jamais se mouiller le bout du gros orteil. La folie, c’était de croire à la chaleur d’un soleil d’hiver juste parce qu’il brille. »
La deuxième force du roman, ce sont les interrogations politiques et sociétales qu’il soulève. Ys, avec son régime inégalitaire, sa Grande Rotation, ses Issois face aux Yssois, renvoie un miroir de nos sociétés, questionne les classes et les hiérarchies sociales.
« Qui contrôlait les forts et la muraille contrôlait Ys. Qui contrôlait Ys contrôlait l’Atlantique. Mais personne ne parvint jamais à contrôler les Issois. »
Il m’a manqué un quelque chose pour m’attacher vraiment à Danaé. Peut-être la plume était-elle trop belle et en même temps trop impersonnelle. J’aurais aimé être davantage dans sa tête, pour mieux appréhender ses réactions et ses émotions face aux événements qui lui tombaient dessus.
Cet ouvrage unique est avant tout un bel hommage aux marins, à l’océan, aux insulaires. Ys est un personnage à part entière.

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