Un hommage aux pionnières, un humour décapant.

Stefano Massini donne de la voix, du corps et surtout du pied aux onze ouvrières de la Doyle & Walker Munitions qui, pendant la Première Guerre mondiale, sont devenues joueuses, d’abord timidement, puis franchement. Mais il ne le fait pas n’importe comment. Il écrit en vers libres, avec un rythme unique et un humour décapant. C’est tellement original et bien vu.

Chaque femme – ouvrière – joueuse – épouse est unique. D’Olivia Lloyd, la latérale droite intellectuelle, à Haylie Owen, la milieue défensive socialiste aux idées révolutionnaires, en passant par l’avant-centre Brianna Griffith, dont le modèle n’est autre que Jeanne d’Arc, je souriais à chaque phrase, à chaque attitude footballistique, à chaque critique sous-jacente.

« À la troisième semaine de football quotidien, les rôles se dessinèrent.

Et pas par choix :

sélection darwinienne.

Mais quelle sensation bouleversante, subitement, de se voir attribuer un rôle, une fonction !

Des choses qui en fin de compte n’avaient fichtrement rien à voir avec le monde extérieur.

Ce fut comme si elles se rappelaient soudain qu’elles existaient vraiment par elles-mêmes.

Car si jusqu’à présent elles avaient bien eu un rôle c’était leur rôle à l’usine, à la chaîne de montage, ou leur rôle domestique : fille, épouse ou mère.

Enfin : un air nouveau !

Quelles drôles de surprises peut vous jouer un ballon ! »

Les hommes sont sur le front, les femmes les remplacent. Elles souffrent de la guerre, elles-aussi, mais qui s’en soucie ? C’est à elles de prendre soin des autres, pas l’inverse. Alors quand la guerre prend fin, le football féminin, cette blague que seule une guerre a pu permettre, c’est terminé : tout doit rentrer dans l’ordre.

En racontant l’histoire du Ladies Football Club avec tant d’originalité, Stefano Massini rend hommage aux pionnières, à leur courage. Ce court roman se savoure, et on se délecte de chaque paragraphe. La joueuse de football féminin que je suis est conquise.

« Où trouver le courage de les humilier ?

Teddy…

William.

Peter.

Reginald.

Elles comprirent toutes que

– comme toujours – ce n’est pas la faiblesse qui a raison des femmes, c’est la compassion.

Justine Wright était la seule à se démener :

n’ayant pas de mari au front, elle s’acharnait sur ses adversaires avec une terrible rage, elle foudroyait du regard quiconque s’approchait d’elle et lui jetait au nez

un incompréhensible ‘Fuck you Romeo !’, cri auquel seul le vieux gardien de but eut la politesse de répondre ‘En vérité, je m’appelle Rufus, milady’. »

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