Une histoire d’amour inoubliable, une narration unique.

Dès les premières pages, j’ai été embarquée par le ton faussement naïf qui m’a beaucoup rappelé ce que je ressentais lors de ma lecture de L’écume des jours de Boris Vian.

Un garçon raconte ses parents, ce couple extravagant, pétillant, bizarre à bien des égards. Deux êtres qui veulent profiter de chaque instant. L’urgence de vivre, la danse de la vie, se déploient dans leurs fantaisies, au rythme de Nina Simone. Ils sont « fous amoureux », « dingues l’un de l’autre ». En lisant ces pages, on se demande : qu’est-ce que la folie, au fait ? Quelles sont ses limites ? Vivre sans folie, affronter la monotonie et la banalité du quotidien, l’inéluctable absurdité de la mort ou de la maladie, quel intérêt ? Taire sa folie, n’est-ce pas se mentir à soi-même ?

« – Oui, je sais, moi aussi, je m’en souviens parfaitement. Vous avez travaillé chez un fleuriste, et vous avez été renvoyée car vous refusiez de faire payer les bouquets !  

– Mais enfin, dans quel monde vivons-nous ? On ne vend pas les fleurs, les fleurs c’est joli et c’est gratuit, il suffit de se pencher pour les ramasser. Les fleurs c’est la vie, et à ce que je sache on ne vend pas la vie ! Et puis je n’ai pas été renvoyée, je suis partie toute seule, de mon propre chef, j’ai refusé de participer à cette escroquerie généralisée. J’ai profité de la pause du déjeuner, et je suis partie avec le plus gros et beau bouquet jamais confectionné dans le monde entier.

– C’est tout à votre honneur de réussir à allier vos valeurs avec un comportement de voleur. Il y avait déjà Robin des bois, moi j’ai épousé Rapine des fleurs ! »

Mais alors, comment jongler entre le vrai et le faux, entre les ombres et la lumière ? Quand bascule-t-on vers la « maladie » ? Sur quelle base, quelle normalité, la diagnostiquer ? On emploie le mot « folie » et tous ses dérivés dans tant de contextes qu’on ne s’en rend même plus compte. Oliver Bourdeaut joue avec notre bon sens, déploie un caléidoscope de la folie, déjoue la réalité. Derrière les bons mots, les phrases si bien trouvées et l’humour, il écrit un texte d’une sensibilité qui m’a touchée droit au cœur.

« Puis, lorsque le dernier quartier ensoleillé disparaissait derrière le sommet de la montagne, Bojangles retentissait, porté dans l’atmosphère par la voix douce et chaude de Nina Simone et l’écho de son piano. C’était tellement beau que tout le monde se taisait pour regarder Maman pleurer en silence. D’une main, j’essuyais ses larmes, et de l’autre je tenais les siennes. »

La plus belle des preuves d’amour serait-elle d’embrasser la folie de l’autre ? Dans notre monde, dans notre société, c’est poétique d’affirmer une telle vérité, pas si facile à réaliser.

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