Marie-Laure Leblanc a perdu la vue dans l’enfance. Son père, serrurier au Musée d’histoire naturelle de Paris, lui confectionne une maquette de leur quartier, lui offre les ouvrages de Jules Verne en braille, lui transmet la force de ne jamais abandonner. Quand la guerre éclate, il leur faut fuir Paris. Ils se réfugient à Saint-Malo, chez le grand-oncle Etienne, un vieil homme hanté par la Première Guerre mondiale et la perte de son frère.
« Le désespoir ne dure pas. Marie-Laure est trop jeune et son père trop patient. Le désespoir, assure-t-il, ça n’existe pas. Il y a la chance, et la malchance. Une légère orientation de chaque journée vers le succès ou l’échec. Mais les malédictions, non. »
Werner Pfenning grandit dans le Zollverein, près d’Essen. Depuis que la mine leur a volé leur père, lui et sa sœur Jutta sont pris en charge par Frau Elena à l’orphelinat. Petit génie, Werner bricole, pose d’innombrables questions, et surtout, il branche sa radio improvisée maison à une émission de vulgarisation scientifique diffusée depuis la France. Quand la guerre éclate, son potentiel est repéré. Il se retrouve embrigadé dans la Wehrmacht, broyé par la machination nazie.
« Werner et Jutta captent et recaptent l’émission du Français. C’est toujours au moment d’aller au lit, et toujours au milieu d’un texte de plus en plus familier. Considérons aujourd’hui, les enfants, la fantastique machinerie qui s’ébranle à l’intérieur de notre tête quand on se gratte un sourcil…
Ils suivent une émission sur les animaux marins, le pôle Nord. Jutta aime celle sur les aimants. Werner préfère celle sur la lumière : éclipses et cadrans solaires, aurores et longueur d’ondes. Qu’est-ce que la lumière visible ? C’est la couleur. Mais le spectre électromagnétique s’étendant de zéro à l’infini, en réalité, mathématiquement, la lumière est en grande partie invisible.
Werner aime se recroqueviller sous la lucarne pour imaginer des ondes radio telles des cordes de harpe d’un kilomètre de long, ondulant et vibrant au-dessus du Zollverein, volant à travers les forêts, les cités, passant à travers les murs. À minuit, Jutta et lui arpentent l’ionosphère, recherchant cette voix onctueuse et pénétrante. »
En août 44, Saint-Malo est bombardée par les Alliés. Les Allemands refusent de quitter la cité fortifiée. Anthony Doerr écrit sur ces derniers jours de lutte. À travers Marie-Laure et Werner, il nous plonge au cœur de ce que signifie subir une guerre. Les privations. Les valeurs et les libertés bafouées. L’instinct de survie. La solidarité et la lâcheté. L’enfance volée.
« La guerre lâche son point d’interrogation. »
Ce roman a tout. Deux protagonistes touchants, mais aussi des personnages secondaires inoubliables (l’amour du père de Marie-Laure inonde les pages, la résilience de Madame Manec nous inspire, le courage de l’oncle Etienne nous émeut, la subversivité de Jutta nous impressionne). Il y a un souffle romanesque qui nous maintient en haleine : impossible d’arrêter la lecture. Et puis, il y a un diamant, l’Océan des Flammes, et sa mystérieuse malédiction…
« Bien sûr. Après-guerre, tous les héros de la Résistance étaient de sémillants jeunes gens capables de fabriquer des mitrailleuses à partir de trombones.
Et les Allemands, soit des têtes blondes de demi-dieu émergeant des tourelles de leurs chars pour voir défiler des villes en ruines, soit des psychopathes doublés de maniaques sexuels violeurs de belles Juives.
Quelle est la place de ce garçon ? »

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