Rétrospective livresque : mes coups de cœur en 2023.

2023 a été riche en coups de cœur, et je profite de la fin de l’année pour faire revivre quelques-unes des émotions intenses que les livres m’ont procurées.


Du côté des classiques, j’ai été émue aux larmes par deux personnages emblématiques de la littérature américaine (la littérature américaine est à l’honneur, comme vous le verrez). Martin Eden, jeune homme persévérant, éperdument amoureux de Ruth et de la littérature, qui se brise dans un monde dans lequel il ne se reconnaît plus. Gatsby le magnifique, sensible, romantique et élégant, broyé par les ravages de l’argent, la mesquinerie et les faux-semblants.

Gatsby le Magnifique,
de F. Scott Fitzgerald (1925).

« Si la personnalité est une suite continue de gestes réussis, alors il y avait quelque chose de prodigieux chez lui, une sensibilité aiguë aux promesses de l’existence, comme s’il était relié à l’une de ces machines compliquées qui enregistrent les séismes à plus de quinze mille kilomètres de distance. Cette réceptivité n’avait rien à voir avec la molle émotivité que l’on désigne pompeusement sous les termes de ‘tempérament d’artiste’ – c’était un don extraordinaire pour l’espoir, une disposition romantique telle que je n’en ai jamais rencontré chez personne et qu’il est peu probable que je rencontre à nouveau. »

Traduit de l’anglais (USA) par Emmanuelle Ghez. Publié aux éditions Hauteville et illustré par Adam Simpson.

Martin Eden,
de Jack London (1909).

« Sans boussole, sans rames, sans port à l’horizon, il se laissait aller à la dérive, sans lutter davantage, puisque lutter c’est vivre et que vivre c’est souffrir. »

Traduit de l’anglais (USA) par Claude Cendrée. Publié en format poche aux éditions 1018.


Fidèle en littérature comme en amour, j’ai à nouveau été émue aux larmes et/ou révoltée grâce à Colson Whitehead, Richard Powers, Luca Di Fulvio et Suzanne Collins. Ils tiennent toujours leurs promesses.

Nickel Boys,
de Colson Whitehead (2019).

« Les garçons auraient pu devenir tant de choses si cette école ne les avait pas anéantis. Des médecins qui trouvent des remèdes ou opèrent des tumeurs au cerveau, inventent ce qui sauve des vies. Des candidats à la présidentielle. Tous ces génies gâchés. Naturellement, tous n’étaient pas des génies – Chikie Pak par exemple n’avait pas découvert la relativité restreinte -, mais ils avaient été privés du simple plaisir d’être ordinaires. Entravés et handicapés avant même le départ de la course, ils n’avaient jamais réussi à être normaux. »

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé. Publié aux éditions Albin Michel, en version poche chez Le Livre de Poche.

Prix Pulitzer 2020.

Sidérations,
de Richard Powers (2021).

« Face à l’échec des traitements à soulager mon enfant, je développais une théorie farfelue : la vie est une chose qu’il faut cesser de vouloir corriger. Mon fils était un univers de poche dont je n’atteindrais jamais le fond. Chacun de nous est une expérience en soi, et nous ne savons même pas ce qu’elle est censée tester. »

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Serge Chauvin. Publié aux éditions Actes Sud.

Mamma Roma,
de Luca Di Fulvio (2021).

« Moins d’une heure plus tard, ils parcouraient les rues de Rome. Marta observait tout bouche bée, tant cette ville la surprenait. Pas uniquement par sa beauté. Mais par l’excès qu’il y avait en toute chose. On voyait une quantité invraisemblable d’ordures dans les rues, que nul ne nettoyait. Et l’atmosphère vibrait en permanence des volées de cloches de mille églises. Il y en avait tellement qu’elles assourdissaient la ville entière et que les gens, pour s’entendre, devaient glisser leurs mots entre un carillon et un autre. Et puis il y avait les chats. Des chats partout. Encore plus nombreux que les prêtres. Paresseusement roulés en boule dans le moindre rayon de soleil. Les oreilles entaillées à la suite de leurs nombreuses batailles amoureuses. Les canines longues et acérées afin de pouvoir lutter à pied d’égalité contre les énormes rats, presque aussi gros qu’eux, dont on voyait traîner les queues nues répugnantes, tels des serpents sans écailles. Elle n’avait jamais vu de ville à la fois aussi belle et aussi laide. »

Traduit de l’italien par Elsa Damien. Publié aux éditions Slatkine & Cie, chez Pocket en format poche.

The ballad of songbirds and snakes,
prequel des Hunger Games,
de Suzanne Collins.

« People had short memories. They needed to navigate the rubble, peel off the grubby ration coupons, and witness the Hunger Games to keep the war fresh in their minds. Forgetting could lead to complacency, and they’d all be back at square one. »

Publié aux éditions Scholastic, et chez Pocket Jeunesse pour la version française traduite de l’anglais par Guillaume Fournier.


Deux Goncourt ont fait battre mon cœur à toute allure, me révélant l’étendue du talent de Mohammed Mbougar Sarr et de Jean-Baptiste Andréa.

La plus secrète mémoire des hommes,
de Mohamed Mbougar Sarr (2021).

« C’est peut-être une idée insupportable, dégueulasse et bourgeoise, mais il faut l’accepter. C’est ça notre vie : essayer de faire de la littérature, oui, mais aussi en parler, car en parler est aussi la maintenir en vie, et tant qu’elle sera en vie, la nôtre, même inutile, même tragiquement comique et insignifiante, ne sera pas tout à fait perdue. Il faut faire comme si la littérature était la chose la plus importante sur terre ; il se pourrait parfois, rarement mais tout de même, que ce soit le cas et que certains doivent en attester. Nous sommes ces témoins, Faye. »

En coédition chez Philippe Rey et Jimsaan.

Prix Goncourt 2021. Prix Transfuge du meilleur roman de langue française 2021. Prix Hennessy du livre 2021. Prix FETKANN ! Maryse Condé 2021, Mention Spéciale du Jury.

Veiller sur elle,
de Jean-Baptiste Andréa (2023).

« Il Francese. J’ai toujours détesté ce surnom, même si l’on m’en a donné de bien pires. Toutes mes joies, tous mes drames sont d’Italie. Je viens d’une terre où la beauté est toujours aux abois. Qu’elle s’endorme cinq minutes, la laideur l’égorgera sans pitié. Les génies naissent ici comme de mauvaises herbes. On chante comme on tue, on dessine comme on trompe, on fait pisser les chiens sur les murs des églises. Ce n’est pas pour rien qu’un Italien, Mercalli, donna son nom à une échelle de destruction, celle de l’intensité des tremblements de terre. Une main démolit ce que l’autre a bâti, et l’émotion est la même.

L’Italie, royaume de marbre et d’ordures. Mon pays. »

Publié aux éditions L’Iconoclaste.

Prix Goncourt 2023.


Nombreuses sont les écrivaines à rejoindre mon panthéon d’auteur.e.s à suivre : Louise Erdrich, Lola Lafon, Jeanine Cummins, S.A. Chakraborty et Jean Hegland. À n’en pas douter, je les suivrai en 2024.

La Sentence,
de Louise Erdrich (2021).

« Rien ne fait plus plaisir à Penstemon que tendre un livre qu’elle aime à quelqu’un qui veut le lire. Je suis pareille. On pourrait dire que ça nous ravit, même si « ravir » est un mot que j’emploie peu. Le ravissement manque de consistance ; le bonheur a plus d’assise ; l’extase est ce que je vise ; la satisfaction, ce qu’il y a de plus dur à atteindre. »

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sarah Gurcel.

Prix Femina Etranger 2023. Palmarès des libraires – Livres hebdo 2023. Palmarès les 100 meilleurs livres de l’année 2023 du magazine Lire.

Quand tu écouteras cette chanson,
de Lola Lafon (2022).

« Nous sommes les enfants des romans que nous avons aimés, ils se déposent au creux de nos peines, de nos manques, ils contiennent tout ce qui se dérobe à nous, qui passe sans qu’on ait pu le comprendre, nous sommes faits d’histoires qui ne nous appartiennent pas, elles nous intriguent et nous hantent. »

Publié aux éditions Stock.

Grand prix des lectrices ELLE 2023, Prix Décembre 2022, Prix Les Inrockuptibles 2022.

Le garçon du dehors,
de Jeanine Cummins (2023).

« Dehors, nos roulottes étaient en rangs d’oignons tout le long de la grande rue de la ville. Elles étaient belles, alignées comme ça, une vraie parade de couleurs chatoyantes – les plus jolies d’entre elles ornées de doré, de vert et de rouge brillant, avec des arabesques et des fioritures qui dégringolaient sur les côtés et donnaient l’impression que ces fichues roulottes, elles étaient en mouvement perpétuel. Même quand ses roues ne bougeaient pas, une roulotte bien peinte sentait constamment le vent qui l’encourageait dans ses avant-toits. »

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Auché. Publié aux éditions Philippe Rey.

La saga de Daevabad,
de S.A. Chakraborty.

« La cité faisait paraître leur navire minuscule, tel un lion face à un moucheron. Le brouillard épais n’était qu’une simple jupe pour ses murs de laiton massifs et étincelants et sa masse qui se dressait, se découpant dans le ciel. Au-dessus du mur apparaissaient les sommets des minarets de sable dépoli, les délicats stupes flottants, les ziggourats anciennes de brique et de boue et les temples aux tuiles étincelantes. Et comme gardienne de tous ces bâtiments s’élevait la tour aux créneaux nus de la Citadelle, fièrement dressée de toute sa hauteur comme un symbole d’Am Gezira. »

Publié aux éditions Harper Collins Publishers, De Saxus pour la version française, J’ai Lu pour la version de poche. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Gaspard Houi.

Dans la Forêt,
de Jean Hegland (1996).

« Pourquoi qui que ce soit voudrait marcher sur l’eau… alors qu’on peut danser sur terre. »

Traduit de l‘américain par Josette Chicheportiche. Publié aux éditions Calyx Books, Gallmeister pour la version française.


J’ai aussi lu plus de BD en 2023. Deux pépites sont sorties du lot. Habibì de Craig Thompson (éditions Casterman, 2011), à la fois poétique et terrible, et Saison des roses de Chloé Wary (éditions FLBLB, 2019), pop et parfaite pour la footballeuse que je suis.


Si je ne devais en choisir qu’un… ce serait Les voleurs d’innocence de Sarai Walker. Un roman qui se lit comme un conte moderne, aux influences gothiques, florales et féministes.

Les voleurs d’innocence,
de Sarai Walker (2023).

« Mais je crois que j’ai fini par comprendre que c’est mon destin d’être une de ces folles. Une de ces femmes qui disent la vérité, aussi terrifiante soit-elle. Une de ces femmes qui se tiennent à l’écart de la foule, se concentrant non pas sur les visages en colère et désapprobateurs, mais au-dessus d’eux, sur le ciel d’un bleu jacinthe éclatant qui ressemble aux fleurs qui poussent dans son jardin. »

Traduit de l‘américain par Janique Jouin-de Laurens. Publié aux éditions Gallmeister.


Vous en avez lus certains ? Vous laisserez-vous tenter ? Je profite de cette rétrospective pour vous souhaiter une très belle année 2024. Qu’elle soit emplie de magie, de petits et grands bonheurs, et de lectures merveilleuses.

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  1. Gatsby m’a également marquée.

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