Rami, le père, est hospitalisé dans la chambre 219 pour un cancer. Tandis qu’il s’oublie dans la maladie, sa pudeur tombe, les bulles du silence éclatent. Ses souvenirs arrivent jusqu’à Euphrate, le fils, que les absences et les non-dits ont tant fait souffrir depuis l’enfance.
Ce roman, à la fois triste et beau, questionne l’identité. Alors que Rami fait revivre son passé, le Falloujah de son enfance et l’Irak de sa jeunesse militante, Euphrate se remémore les difficultés quotidiennes d’une famille d’immigrés en France. « L’exil n’efface jamais le passé ». Et ce passé, que Rami le veuille ou non, se transfère aux générations futures.
C’est un hommage au père, à la parentalité. La difficile communication entre le père et le fils nous remue. On voit ce père taiseux, qui refuse d’admettre combien il a honte de ne pas avoir réussi à se reconstruire, qui refuse d’admettre que le tourment de son passé empoisonne son présent. On comprend la colère de ce fils en manque de liens affectifs, en demande de réponses, qui a dû se construire trop souvent seul.
L’Irak est un fantôme. Un pays disparu pour le père. Un pays absent et fantasmé pour le fils. « Au pays du murmure, tu dois murmurer ». Même en France, Euphrate ne voit le pays de ses ancêtres que dans des chuchotements. Dans les bribes des souvenirs des autres. Mais progressivement, les fantômes du père et ceux du fils se réconcilient. La chambre 219 devient une terre d’accueil pour leurs retrouvailles.
Un roman qui a remporté de multiples prix bien mérités, dont le Prix Senghor 2023 et le Prix de la littérature arabe 2023. Je ne peux que vous le recommander.
« Mon arrivée en Irak me permit de constater une chose.
– Maman, en fait en France, on est pauvres !
– Mais qu’est-ce que tu croyais ?
Je ne croyais rien puisque je ne savais rien. En France, nous n’avions pas de voiture et vivions dans un petit appartement alors qu’ici des voitures américaines tout droit sorties de films hollywoodiens étaient garées devant d’immenses maisons.
Sur la route, j’aperçus des portraits géants d’un homme. Il portait tantôt un uniforme militaire, tantôt un costume blanc et un chapeau. Il paraissait puissant et glorieux en même temps qu’il dégageait une sérénité étrange, presque mystérieuse. Ça devait être l’homme dont on n’avait pas le droit de prononcer le nom. Avant notre voyage, mon père m’avait mis en garde.
– L’Irak que tu vas voir est une dictature.
– C’est quoi une dictature ?
– C’est un pays où tout le monde murmure. Toi et ta sœur, évitez de parler trop fort, on ne doit pas parler à voix haute, sauf si ce n’est pas important. Tu comprends ?
– Je sais pas.
– Tu ne dois pas donner ton avis sur ce que tu verras. Au pays du murmure, tu dois murmurer. »

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