Mimo. Un protagoniste tellement attachant. Dans ses imperfections, son obstination, sa témérité.
Viola. Une femme rêveuse et savante, dont le rang social et l’époque brident les désirs d’indépendance et brisent les rêves.
Leur amitié. Fluctuante mais forte, malgré toutes les épreuves du temps et de la vie. Mimo veille sur Viola. Viola veille sur Mimo. Parce que l’amitié, c’est veiller l’un sur l’autre.
« Elle me dévisagea comme si j’étais devenu fou.
— J’ai l’air morte ?
— Maintenant non.
— C’est absurde, de toute façon. Pourquoi craindre les morts ?
— Euh… parce qu’ils sont morts ?
— Tu crois que ce sont les morts qui font les guerres ? Qui s’embusquent au bord des chemins ? Qui te violent et te volent ? Les morts sont nos amis. Tu ferais mieux d’avoir peur des vivants. »
L’art, la sculpture, les livres, les bibliothèques, l’Italie, la beauté insolente et parfois vulgaire des rues florentines et romaines, les odeurs et les couleurs… Quelle plume. Quelle langue. Combien de fois je me suis arrêtée, pour relire et recopier des passages, des phrases si bien construites, si justes, noircissant des pages entières de mon carnet avec le talent de l’auteur. Émotions et admiration n’ont cessé d’accompagner ma lecture.
« Il Francese. J’ai toujours détesté ce surnom, même si l’on m’en a donné de bien pires. Toutes mes joies, tous mes drames sont d’Italie. Je viens d’une terre où la beauté est toujours aux abois. Qu’elle s’endorme cinq minutes, la laideur l’égorgera sans pitié. Les génies naissent ici comme de mauvaises herbes. On chante comme on tue, on dessine comme on trompe, on fait pisser les chiens sur les murs des églises. Ce n’est pas pour rien qu’un Italien, Mercalli, donna son nom à une échelle de destruction, celle de l’intensité des tremblements de terre. Une main démolit ce que l’autre a bâti, et l’émotion est la même.
L’Italie, royaume de marbre et d’ordures. Mon pays. »
Tout, j’ai absolument tout aimé. Du début à la fin. Chaque chapitre, chaque récit raconté par Mimo. Et puis, quelle conclusion magistrale, à la hauteur de tout l’ouvrage. J’en ai pleuré dans mon canapé, et je suis restée sidérée de longues minutes, le roman refermé contre ma poitrine, trop émue pour agir ou réagir.
« — Qu’est-ce qui est ridicule, Mimo ?
— Toi, moi. Notre amitié. Un jour on s’aime, le lendemain on se déteste… Nous sommes deux aimants. Plus nous nous rapprochons, plus nous nous repoussons.
— Nous ne sommes pas des aimants. Nous sommes une symphonie. Et même la musique a besoin de silences. »
Merci, Jean-Baptiste Andrea. Votre roman est un chef-d’œuvre. Je n’ai aucun scrupule et aucune honte à l’affirmer haut et fort. Goncourt ou pas Goncourt. Vous méritez ce prix, mais surtout, vous méritez d’être lu.
« — Non, Mimo. Je voulais te montrer qu’il n’y a pas de limites. Pas de haut ni de bas. Pas de grand ou de petit. Toute frontière est une invention. Qui comprend ça dérange forcément ceux qui les inventent, ces frontières, et encore plus ceux qui y croient, c’est-à-dire à peu près tout le monde. Je sais ce qu’on dit sur moi, au village. Je sais que ma propre famille me trouve étrange. Je m’en fiche. Tu sauras que tu es sur le bon chemin, Mimo, quand tout le monde te dira le contraire.
— Je préférerais plaire à tout le monde.
— Bien sûr. C’est pour ça qu’aujourd’hui tu n’es rien. Bon anniversaire. »

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