Tu t’apprêtes à lire un roman unique, solaire et sombre à la fois. En ouvrant ce livre, tu plongeras dans un drame, de ces drames rendus ordinaires par la pression sociale. Tu seras emporté en Égypte, à la fin d’une époque, à la fin du XXème siècle, dans la société levantine. Tu ressentiras de la colère, de la tristesse, tu pleureras peut-être comme moi, mais tu seras surtout touché par la plume d’un auteur talentueux, et par cette histoire si joliment racontée. Progressivement, tu comprendras ce titre, Ce que je sais de toi, tu découvriras l’identité du mystérieux narrateur qui s’adresse à toi. Alors l’émotion, déjà grande, te gagnera davantage.
« Un jour, il t’apparaitrait pourtant avec évidence qu’il n’existe que très peu d’adultes véritables. Que nul ne se départ tout à fait de ses peurs originelles, de ses complexes adolescents, du besoin inassouvi de venger ses premières humiliations. On s’étonne encore de déceler une réaction puérile chez un de nos semblables, mais c’est une grossière erreur : il n’y a pas d’adultes au comportement d’enfant, il n’y a que des enfants qui ont atteint l’âge où le doute est honteux. Des enfants qui finissent par se conformer à ce que l’on attend d’eux : qui renoncent à la moindre remise en question, affirment sans plus trembler, méprisent la différence. Des enfants aux voix rauques, aux cheveux blancs, à l’alcool facile. Bien des années plus tard, tu finiras par comprendre qu’il faut les fuir quoi qu’il en coûte. Mais en ce temps-là, ils te fascinaient. »
Merci, Éric Chacour, et bravo. Pour cette narration originale et maîtrisée. Pour tous les sujets évoqués derrière cette histoire finement tissée. Pour ce voyage physique, temporel et émotionnel. Beaucoup de choses ont résonné en moi. Continuez d’écrire ; il me tarde de vous lire à nouveau.
« Tu ne savais pas grand-chose de l’homosexualité. Il s’agissait, pour les uns, d’un motif de plaisanterie, pour les autres, d’une perversion venue de l’Occident, mais rarement d’un thème dont on discute. Il y avait bien eu ce patient venu te demander conseil quelques années auparavant et auquel tu n’avais pas été d’une grande aide. Tu t’étais contenté de lui assurer que tu ne le dénoncerais pas. Pour le reste, ce sujet était aussi absent de ta vie sociale que du Code pénal égyptien. Il s’en trouvait certainement que l’on emprisonnait pour motif de débauche, mais tu aurais été en peine de nommer un homosexuel dans ton entourage. Sans doute n’y en avait-il aucun. Tu te demandas s’il fallait placer le vieil Omar dans cette catégorie et pouffas aussitôt de rire. Impensable, voyons ! il était marié. Qu’il se retrouve au lit avec un prostitué relevait plus sûrement d’un début de sénilité. »

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