Jón Kalman Stefánsson nous embarque avec le gamin, un jeune pêcheur qui voit son meilleur ami mourir parce qu’il a oublié sa vareuse et que la tempête fait rage. Tout ça à cause d’un poème. Le gamin jure de ramener le livre responsable à son propriétaire, comme une ultime promesse faite à cet ami perdu trop vite.
« La joie, le bonheur et la chaleur brûlante de l’amour forment la trinité qui fait de nous des hommes, celle qui justifie l’existence et lui donne plus de grandeur que la mort, cependant, elle n’offre pas plus d’abri que cela contre les vents venus du pôle. »
Il y a à la fois beaucoup de pudeur dans ce texte et beaucoup de force. Force de la nature qui se déchaîne. Force des êtres humains qui se battent et s’entraident face à la mort. Force des sentiments, allant de la peur à l’amour.
« La vie a cet avantage par rapport à la mort que, d’une certaine manière, tu sais à quoi t’attendre, la mort est en revanche une grande incertitude et il est peu de chose dont l’homme s’accommode aussi mal que de l’incertitude, elle est le pire de tout. »
Le deuil est questionné avec finesse. Les mots choisis sont forts, et les phrases qui en résultent font mouche. Ce n’est pas un coup de cœur, mais un roman qui m’a marquée par sa plume et ses questionnements philosophiques.
« Il est peu de choses aussi belles que la mer par une magnifique journée ou par une nuit limpide, quand elle rêve et que le clair de lune est la somme de ses rêves. Pourtant, la mer n’a nulle beauté et nous la haïssons plus que tout quand elle élève ses vagues à des dizaines de mètres au-dessus de la barque, au moment où la déferlante la submerge et nous noie comme de misérables chiots, peu importe à quel point nous agitons nos bras, implorons Dieu et Jésus-Christ, elle nous noie comme de misérables chiots. Et là, tous sont égaux. Les crapules et les justes, les colosses et les mauviettes, les bienheureux et les affligés. On entend quelques cris, quelques mains s’agitent désespérément, puis c’est comme si nous n’avions jamais existé, le corps sans vie coule, le sang se refroidit à l’intérieur, les souvenirs s’effacent, des poissons viennent se coller à ces lèvres qui, embrassées hier, prononçaient les paroles essentielles ; ils effleurent ces épaules qui portaient le benjamin et les yeux ne contemplent plus rien, posés au fond de l’eau. »

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