Cette année encore, et sans surprise, la littérature a amené bonheurs, voyages, réflexions, chagrins, introspections ou encore indignations dans mon quotidien. Je profite des fêtes de fin d’année pour faire le point, et pour rouvrir les ouvrages qui m’ont particulièrement plu. Même si je sais qu’on ne referme jamais complètement la page sur les histoires qui nous ont bouleversés, c’est un plaisir de prendre le temps d’une pause pour s’y replonger.
Beaucoup de romans qui m’ont marquée cette année sont des romans traduits :

Avec un sujet aussi terrible que l’esclavage, je m’attendais à être bouleversée, mais pas à ce point. L’héroïne, Cora, m’a profondément marquée. Résiliente, elle n’abandonne pas malgré l’horreur. Instinctive, elle se laisse porter, mais fait aussi preuve d’agilité. Ce roman, malgré toute sa noirceur, laisse poindre l’espoir grâce au train souterrain. À chaque sortie du tunnel, on espère avec Cora trouver la lumière. Un peu de lumière pour continuer à avancer. Un peu de lumière pour se réconcilier, avec les autres, et avec soi-même. Un peu de lumière pour aborder l’Histoire en rendant une place et une voix à celles et ceux qui ont été broyés.
« Cora connaissait bien son côté douillet, mais elle découvrait l’autre facette de son amie, cet élan qui l’avait gagnée et poussée à s’enfuir. Même si tout esclave y songe. Le matin, l’après-midi, la nuit. Tout esclave en rêve. Chaque rêve est un rêve d’évasion quand bien même ça ne se voit pas. »
Traduit de l’anglais (USA) par Serge Chauvin. Publié aux éditions Albin Michel, en version poche chez Le Livre de Poche.
Prix Pulitzer de fiction 2017, National Book Award 2017.

La trilogie de cet incroyable auteur japonais m’a accrochée dès les premières lignes. J’ai dévoré les trois ouvrages d’une traite, sans alterner avec autre chose entre deux tomes. Ce n’était ni possible, ni envisageable ; il me fallait la suite de cette histoire aussi puissante qu’onirique, aussi humaine que fantastique. Aomamé et Tengo resteront dans mon cœur, et je pense à eux dès que j’aperçois une lune gibbeuse dans le ciel…
« Là où il y a de la lumière, il y a nécessairement de l’ombre. Là où il y a de l’ombre, il y a nécessairement de la lumière. Sans lumière, il n’y a pas d’ombre, et sans ombre, pas de lumière. »
Traduit du japonais par Hélène Morita. Publié aux éditions Belfond, en version poche chez 10/18.

Une histoire d’amour comme on les aime (ou du moins, comme je les aime, adepte de Roméo et Juliette, de West Side Story et du film Titanic) entre deux êtres issus de classes sociales différentes et de milieux que tout est censé opposé. Mais Ruth, Christmas et leur histoire d’amour sont tellement plus que ça. Ruth doit reconstruire sa personne et sa féminité après le drame qu’elle a subi. Christmas se bat pour s’en sortir, et avec son grand cœur, il ne peut se résoudre à la simplicité d’un destin dans l’illégalité. Autour d’eux, gravite une palette de personnages inoubliables, et Luca di Fulvio casse le rêve américain, dans une Amérique où les escrocs d’Hollywood n’ont rien à envier aux gangsters de New York.
« Tu sais ce que c’est, l’amour ? C’est réussir à voir ce que personne d’autre ne peut voir. Et laisser voir ce que tu ne voudrais faire voir à personne d’autre. »
Traduit par Elsa Damien. Publié aux éditions Slatkine et Cie, en version poche chez Pocket.

Modesta est une héroïne qui m’accompagne depuis que je l’ai rencontrée. Que je rouvre ou non le roman exceptionnel de l’auteure italienne Goliarda Sapienza qui lui a donné vie, je reste marquée par ses réflexions métaphysiques, ses combats et ses prises de position. J’entends les vagues se jeter à ses pieds, je l’imagine dans sa demeure, en train d’écrire, de lire, ou simplement de penser aux êtres chers à sa vie. Je sens même le soleil sicilien réchauffer ma peau et mon cœur. Tant de poésie et de volupté… c’est unique.
« Je ne me confronterais plus avec la mort, avec cette ligne d’arrivée qui, si on ne la redoute plus, rend éternelle chaque heure pleinement savourée. Mais il fallait être libre, profiter de chaque instant, expérimenter chaque pas de cette promenade que nous appelons vie. »
Traduit de l’italien par Nathalie Castagné. Publié aux éditions Le Tripode.
Côté littérature française…

La plume de Timothée de Fombelle est emplie de pudeur et de justesse dans ce roman, parfaite pour nous emporter à une époque sombre qui a façonné l’avenir du monde et notre époque (même si on l’oublie bien trop souvent) : l’époque du commerce triangulaire. Alma veut retrouver son petit frère ; le garçon a disparu du cocon paradisiaque que leurs parents avaient créé pour les préserver des Blancs et de leurs bateaux démoniaques. À La Rochelle, Joseph s’est embarqué (incrusté, même) sur l’un de ces funestes bateaux ; il cherche un trésor, et rien ne l’arrêtera. Leurs destins vont se croiser, mais que leur réservent-ils ? Une histoire à lire à tout âge, et une suite qu’il me tarde de découvrir !
« Les captifs. On ne parle que d’eux à bord depuis des mois, mais c’est la première fois qu’il les voit. Il entend maintenant le bruit des chaînes qui se mélange à celui des vagues léchant le sable gris. »
Publié aux éditions Gallimard Jeunesse.

On se reconnaît et s’identifie facilement, dans ce roman. Dans les flash-backs adolescents. Dans les désillusions de la vie adulte. Dans la quête d’amour et de bonheur. Dans cette fichue chanson des fins de soirée, où les notes irlandaises titillent nos souffles et nos pieds. La force de ce roman, selon moi, c’est qu’il mélange deux ingrédients pourtant pas faciles à rassembler puisqu’antinomiques : cynisme et amour de la vie. Introspection garantie.
« Son père la prend par les sentiments, classique. Mais il est trop tard. Elle a déjà pénétré dans cet âge cruel où le nombril est maître, la souffrance des autres purement fictive. Les coups de blues de sa mère n’auront pas raison de son fantasme. Elle veut le maillot deux pièces sur la plage blanche et bleue, les balades à vélo, la grande vie qu’elle devine là-bas, dans leur île à l’autre bout du pays. »
Publié chez Actes Sud.

Le sujet du handicap est joliment abordé dans ce roman très émouvant. Un petit garçon « inadapté » est décrit à travers les yeux de son frère et de sa sœur. Doucement, à la lecture, on finit par se demander : qui est « inadapté » et qui est « adapté » ? Et adapté à quoi, en fait ? Avec ses grands yeux inexpressifs, ce petit garçon nous oblige à ralentir. Là où le flot de la vie emporte la plupart des gens, lui reste de marbre. Un livre touchant, nécessaire, mais aussi instructif sur notre rapport au temps et aux autres.
« Le pays ignorait que, pour certains, la volée de marches, le rebord et le trou valaient pour falaise, muraille et gouffre. Alors, un endroit dédié aux inadaptés… »
Publié aux éditions Stock.
Prix Goncourt des lycéens 2021, Prix Femina 2021, Prix Landerneau 2021.
Si je ne devais en choisir qu’un… Ce serait : 4 3 2 1 de Paul Auster (2017). J’ai commencé 2022 avec ce livre incroyable. Il restera un doudou, une boussole, tant il est beau et spécial. Un rappel de la magie de la littérature, qui agit sur nous, qu’on le veuille ou non.

« C’est vrai que lire des romans était pour lui un des plaisirs essentiels de la vie et il était également vrai qu’il fallait bien que quelqu’un écrive ces romans pour donner aux gens l’occasion d’éprouver ce plaisir. »
Traduit de l’anglais (USA) par Gérard Meudal. Publié chez Actes Sud.
Un dernier ouvrage, que je ne pouvais pas oublier de mentionner : Et pourtant je m’élève, de Maya Angelou. Ce recueil de poèmes transmet de la force à ses lectrices et lecteurs, tant la puissance de cette grande artiste et activiste transparaît à chaque vers.

Edition bilingue publiée aux éditions Seghers. Traduction par Santiago Artozqui.

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