Un texte court qui nous laisse d’abord tout chose. J’ai personnellement ressenti un malaise grandissant durant ma lecture. Passées les premières émotions fortes portées par cette histoire, j’ai pu réfléchir aux raisons. Dans sa lettre, « l’inconnue » commence par écrire l’horreur : son enfant est mort. Alors qu’elle allume des cierges autour du petit corps sans vie, elle ressent le besoin d’écrire à l’homme qu’elle a toujours aimé mais qui ne l’a jamais reconnue (au sens propre du terme). Dans sa lettre, elle se livre, et surtout, elle livre son amour. Où et comment tout a commencé. Comment et où tout a continué. La passion décrite est si dévorante qu’elle nous inspire une malédiction. Une damnation, même. Son enfant meurt, et elle parle de mourir bientôt aussi.
« C’est à toi seul que je veux m’adresser ; c’est à toi que, pour la première fois, je dirai tout ; tu connaîtras toute ma vie, qui a toujours été à toi et dont tu n’as jamais rien su. Mais tu ne connaîtras mon secret que lorsque je serai morte, quand tu n’auras plus à me répondre, quand ce qui maintenant fait passer dans mes membres à la fois tant de glace et tant de feu m’aura définitivement emportée. »
Je n’ai cessé de me demander : face à ces sentiments à sens unique, peut-on parler d’amour ? Devant cette folie qui transforme « l’inconnue » en droguée dont l’addiction est l’homme qu’elle croit aimer, peut-on parler d’amour ?
Que dire de l’homme qui reçoit la lettre ? On ne sait finalement pas grand-chose de lui, si ce n’est à travers le prisme de l’obsession déformante de « l’inconnue ». Elle le décrit comme passionné et rationnel à la fois, comme quelqu’un d’entier mais incapable de se lier. Stefan Zweig aurait-il mis un peu de lui dans ce personnage, écrivain de quarante-deux ans ? Dans ce cas, qui lui a inspiré cette « inconnue » ?
« Il y a en toi deux hommes : un jeune homme ardent, gai, tout entier au jeu et à l’aventure, et en même temps, dans ton art, une personnalité d’un sérieux implacable, fidèle au devoir, infiniment cultivée et raffinée. Je sentis d’instinct ce que chacun devina en te connaissant : que tu mènes une double vie, une vie dont une face claire est franchement tournée vers le monde, tandis que l’autre, plongée dans l’ombre, n’est connue que de toi seul. »
Ce texte est rempli de mystères, mystères qui le rendent, à mes yeux, d’autant plus magnétique.

Laisser un commentaire